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5 octobre 2011 3 05 /10 /octobre /2011 10:21

EVE

 Je reprends la publication mensuelle des interventions faites dans le cadre du Groupe biblique de l'ERF de Fontainebleau, sous la direction d'Odile Roman-Lombard, pasteure. Le thème de cette année : Des Femmes de la Bible

 

 

EVE


Le texte de la Genèse ch.2 v. 18-25 et ch. 3 1-23, met en scène une femme, dont le nom Eve= la Vivante n'est donné qu'au v.20 du ch.3, sa création, sa relation avec Adam, celle avec le serpent (disons la Tentation), la consommation d'un fruit défendu, son expulsion du jardin d'Eden et les conditions de sa vie ultérieure. La naissance des enfants, Caïn, puis Abel et enfin Seth n'est dite qu'au ch. 4 , v. 2 puis 25.

La peinture a énormément représenté Adam et Eve, surtout la scène dite de la "chute" ou du "péché originel", termes qui ne sont pas du tout bibliques, mais datent de la pensée de St Augustin au Vème s. Ces notions et leurs représentations sont un donné majeur de notre culture, qui a vite assimilée "la faute originelle" au sexe. 

Nous allons partir de cette donnée et montrer que les peintres créent des images psychologiques d'Eve, assez différentes.

 

QUEL RELATION ENTRE EVE ET ADAM ?

 

vl The_Fall_of_Man-1616-Hendrik_Goltzius.jpg

 Oeuvre de Hendrik GOLTZIUS 1558-1617, graveur et peintre protestant de Haarlem. Ce tableau "La chute de l'homme" date de 1617, donc juste avant sa mort, il est conservé à la National Gallery de Washington.

C'est une scène de séduction amoureuse : échanges des regards, qui reprennent le verset 18 de la Genèse"Je vais lui faire un vis à vis "dit Dieu
                   de séduction sexuelle : caresse, pose couchée (la même que le peintre utilise pour les filles de Loth)

Eve s'offre et offre une pommequi devient le centre du tableau :
           la forme des corps, en partant des pieds pir aller aux têtes, est celle d'une corne d'abondance, signe de plaisir et de fécondité, la pomme est au sommet.
           la pomme est à la base du triangle contruit avec l'échange des regards
           le tronc de l'arbre, la pomme, le bras d'Eve forment une verticale qui arrive au sexe d'Adam, façon de désigner l'objet de la convoitise.

Ainsi Eve est active, elle prend les initiatives pour réaliser son désir, alors qu'Adam est assez passif, cela renvoie au titre de l'oeuvre : chute de l'homme, en hollandais, au sens de mâle. C'est bien Eve la séductrice qui va entraîner le pauvre homme-mâle vers sa perte.

Les autres éléments vont dans le même sens : la pomme (la bible parle du fruit) est bien sûr un symbole sexuel féminin, le serpent a une tête de femme car la femme est séduite par son double, quant à la plante qui cache le sexe d'Adam, on peut y reconnaître du lierre terrestre, c'est une plante proche des menthes, qui relève le goût , utilisé pour la bière avant le houblon. On peut aussi rapprocher cette plante du vrai lierre, qui est associé à Dionysos.

Quant aux animaux: le chat n'est pas le diable, il n'est pas noir, mais plutôt une image féminine ambiguë doux et sentimental, sournois et hypocrite, il semble attendre la fin; de même pour le couple chèvre-bouc qui regarde Adam et Eve, une fois l'acte consommé, ils pourront eux aussi... la conséquence du péché humain ayant selon certaines traditions des conséquences pour toute la nature.

Donc une vision traditionnelle de la relation entre Eve et Adam, relation qui n'a d'ailleurs rien à voir avec le texte du mythe biblique.

 

 

Mais il existe d'autres types de relation :

 

 

 

1 Durer.jpg

 Ici Dûrer 1471-1528 met Adam et Eve à égalité, ils sont symétriques, représentés de la même façon et tous deux ont une pomme, ce qui est assez rare. Eve discute avec son époux, la relation est tout autre.

 

 

 

 

 

 

 

3 Dominiquin_-réprimandant-Adam-et-Eve.jpg

 

 

Domenico Zampieri dit le Dominiquin 1581-1641, représente le v. 12 où Eve est accusée par Adam, rejetée et ne trouve comme défense que de faire reporter la faute sur le serpent.

 

 

 

 

 

 

 

1 inconnu 16.jpg

 

Ce peintre inconnu de la fin du 1-ème s. représente une jolie scène familiale, où Eve, la mère bien occupée, semble se plaindre auprès d'Adam , fatigué par une dure journée de travail à la houe. Relation cocasse et réaliste

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour à la scène de tentation, par l'Anglais Burne Jones (1833-1898) à gauche et par l'Allemand von Stuck (1863-1928)

Différence entre la solidarité et l'action maléfique ?

 

 

 

EVE SEDUITE


 4 WILLIAM_BLAKE_temptation_of_eve.jpgpour William Blake 1757-1827 moreau.jpg par le serpent -démon qui la force, elle est victime

 

 

 

 

 

 pour Gustave Moreau (1826-1898) par la beauté environnante et la voix intérieure qui lui parle, la séductrice est séduite

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

EVE CHASSEE de L'EDEN

 


Curradi xpulsion.jpgUne femme résignée delacroix.JPGpour Francesco Curradi 1570-1661

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une femme suppliante pour Eugène Delacroix

George_Frederic_Watts_courte.jpg

 

Une femme désepérée
pour Frederic Watts (1817-1904) michelange.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

Une femme récriminante , une sorcière
pour Michel Ange

 

 

 

 

 

 

ET DIEU CREA LA FEMME

 


Cette représentation suit 4 modèles:1 Bertram 14 Hambourg.JPG

 

A partir d'une côte, pour cette miniature de Maître Bertram d'Hambourg au 14ème s.

c'est assez rare de la voir si réaliste, à noter aussi que ni Eve ni Adam n'ont de nombril, ce qui marque bien que ce sont des êtres créés et non nés

 

 

 


2 Ad Eve fresque les Salles.JPG

 

Sur cette fresque du 12ème à Salles-Lavauguyon en Limousin

 

Eve est créée non à partir d'une côte, mais à partir d'un côté d'Adam, sens que l'on donne aujourd'hui volontiers au mot hébreu qui a les 2 sens. Donc une interprétation ancienne, qui renvoie à une compréhension d'adam (= le terreux, le glaiseux) comme hermaphrodite, avant qu'il ne dedevienne ish et isha (homme et femme)

 

 

 

 

 

 

 

4 -Palerme--Normanni--chapelle-palatine--creation-d-Eve.JPGDans la chapelle palatine de Palerme, cette mosaîque du 11ème s. montre Eve qui se lève d'Adam, cette représentation est sans doute la plus répandue

 

 

 

 

 

 

 


5 Orvieto - Creation of Eve.jpg

 

Enfin dans la cathédrale d'Orvieto, on trouve une dernière représentation, Eve se dresse derrière Adam endormi, elle est créé à partir d'Adam mais semble plus indépendante.

 

 

 

 

Personnellement c'est la 2de représentation que je trouve la plus éclairante et la moins mysogine.

 

Terminons par une Eve douloureuse, la mère qui découvre le cadavre d'Abel tué par son frère, selon W.Blake

3 blake_eve pleure abel.jpg


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21 juin 2011 2 21 /06 /juin /2011 11:52

Dieu parle à Moïse , Comment rendre la voix de Dieu par l'image ?

 

LE BUISSON DE L'INCARNATION

 

NicolaS Frroment peint ce retable en 1475 pour le retable de la cathédrale d'Aix en Provence. Pourquoi la Vierge à l'enfant est elle au centre du buisson qui brûle devant Moïse ?

2 froment.jpg

Parce que la voix de Dieu du livre de l'Exode est attribuée au Verbe de Dieu, et qu'elle donc inséparable de son Incarnation. En Marie Dieu s'incarne, il se fait proche tout en demeurant transcendant, comme la flamme qui ne peut être saisie (transcendance) tout en enveloppant le spectateur de sa chaleur (proximité)

Mais le buisson qui brûle sans se consumer c'est aussi l'image de la virginité de Marie.

 

Cette représentation du Buisson ardent est assez rare en Occident, elle vient directement des icônes de l'Orient . (voir album) Celles de Russie sont assez complexes et le buisson devient une sorte d'étoile avec les anges et les évangélistes, rejetant Moïse sur les bords.

 

 

 

LE BUISSON DU DIEU du CIEL

 

Les Juifs du 3ème s. à Doura Europos (Syrie) représentent Dieu par une main qui sort du ciel, cette image est reprise en Orient mais aussi en Occident à Ravenne, et même dans la cathédrale d'Amiens au 12ème s.

6 ravenne_-.jpeg

5 DuraSyn-Moses_burning_bush.jpg

 

 

 

 

 

 

 

                               8 amiens 12.jpeg

 

 

 

 

LE BUISSON DU CHRIST

Mais si c'est le Verbe qui parle à travers le buisson, pourquoi ne pas le représenter sous la forme de « Jésus qui est l'image du Dieu invisible » Paul Col. 1, 15

Cette image est traditionnelle entre le 12 ème et le 15ème s. il faut alors voir si le Christ est dans ou hors du buisson et voir si Moïse est appelé, détourné, s'il obéit à l'ordre de se déchausser ou s'il parle avec Dieu (au Moyen Age le signe de la parole est traduit par des gestes des mains et des doigts et non par la bouche)


9 A2533.jpg10 mmw_10b21_022v_min.jpg16 vitre_roman_allemagne_1100.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 LE BUISSON DU PERE

 

Pourquoi le Christ est il remplacé par le Père au 15ème s. ? Pourquoi n'y a t-il jamais d'image trinitaire ?


20 espagne 15.jpg

22 IRHT_053810-p.jpg26 MOSES AND BURNING BUSCH flandres Horenbout.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Père prend alors la forme de l'Ancien des Derniers jours du livre de Daniel 1, 14 « sa tête avec ses cheveux blancs, est comme de la laine blanche ou de la neige, ses yeux comme une flamme ardente », vieillard biblique qui prend parfois une allure plus jupitérienne. A noter que Moïse perd sa familiarité et qu'il se met de plus en plus à genoux, qu'il se cache le visage, d'interlocuteur, il devient adorateur muet.

 

 

LE TETRAGRAMME


Face à un tel anthropomorphisme, la réaction lors de la crise spirituelle du 16ème s. est nette, puisque Dieu parle , il faut chasser l'image humaine et remplacer la voix par l'écrit. Dès 1529 les 4 lettres sont placées dans le triangle évoquant la Trinité, les protestants choisissent cette représentation (ci-dessois, gravure de Merian pour la bilbe de Luther) mais le concile de Trente la favorise aussi et le Tétragramme se retrouve donc das les temples calviniens comme dans les églises baroques (ci dessous à Versailles), il devient populaire sur les images d'Epinal

42 -chap-02c.jpg

39 merian_buisson.jpg44 epinal.jpeg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LE BUISSON EN FEU TOUT SIMPLEMENT


La simple représentation du feu, sans aucune allusion à la voix de Dieu, se trouve un peu partout mais domine très largement à l'époque plus moderne.

51 HAGGADAH buisson.jpg52 FETI MOSES BEFORE THE BURNING BUSH.jpg53 Scheits.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On la trouve dans les Haggadah, qui sont des représentations juives du Moyen Age, on la trouve, en occident à l'époque classique chez les catholiques (Feti) et chez les protestants (Scheits), à l'époque contemporaine chez Chagall, Dali et chez un Indien, Paul Koli qui entoure le feu d'empreintes comme dans les tanka boudhiques qui sont signe de présence/absence de saints personnages. Le feu, la lumière restent des images divines parlantes pour beaucoup.

 

58 CHAGALL 1960 66 LE BUISSON ARDENT.jpg

 56 DALI 16 A FLAME OF FIRE OF MIDST A BUSH.JPG.jpg57 paul Koli_Inde.JPG

 

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16 mai 2011 1 16 /05 /mai /2011 19:13

   Dans les Actes des apôtres le récit de la conversion de Paul est raconté trois fois, la première au ch. 9, 1-19, est un récit indirect, la seconde au ch. 22, 3-21, se présente comme le récit direct de Paul devant les Juifs, et la troisième au ch.26, 9-18, est aussi un récit à la première personne mais adressé au roi Agrippa et aux autorités romaines.  Les différences entre ces trois textes concernent surtout la place des compagnons et le rôle relatif de la vue (la lumière) et du son (la voix). Mais les paroles du Seigneur Jésus sont partout les mêmes et il n'est fait aucune mention de sa reconnaissance visuelle. Quant au cheval très souvent représenté, il n'en est fait aucune mention (la tradition se fonde sur la supposition que Paul ayant été décapité, il était chevalier romain)

 

LA THEOPHANIE

 

 1-flemalle-copie-1.jpg

 

 

 

Tableau de Bertholet FLEMAL(LE) (1614 1675) du Musée des Augustins de Toulouse mais provient de la cathédrale de Liège, où il sera présent cet été 2011. 

 

Toile immense 463 x 266 qui était au maître autel de la cathédrale St Paul, elle date de 1660

 

 


 

La lumière est mise paradoxalement en valeur par l'obscurité qui est autour des acteurs. 

Deux registres occupent la toile à égalité, le ciel avec le Christ qui avance vers nous, et les soldats qui vont en tout sens mais s'enfuient vers l'arrière. 

Jésus est celui de la résurrection entouré d'anges, de  lumière et de sons. Une théophanie classique.

Paul est assis, les yeux clos, aveuglé mais il écoute calmement, comme en  extase (allusion au verset 22, 17)

 

 

 

2-tintoret-conversion-saint-paul.1181760005.jpg

 

Jacopo TINTORET  1518-1594

 

toile de 152x236 cm

datée de 1545  

National Gallery de  Washington  


Après le coup de tonnerre divin sur la route de Damas, tout est désordre et tumulte, les chevaux se cabrent et tombent, les cavaliers sont désarçonnés, les fantassins s’enfuient. Paul renversé par la puissance divine, les bras en croix, est comme suspendu en l’air au dessus d’un rocher, il a perdu l’équilibre, il est prêt à basculer dans une nouvelle foi, une nouvelle vie. A noter la petite taille du Christ et sa position marginale

 

3-william_blake_the_conversion_of_saul_print.jpg

 

 

 

William BLAKE 1757 1827

1800 petite estampe 23x30 coll.privée

 

 

 

 

 

 

 


Libre représentation d'un Paul dont le cheval s'affaisse, les yeux bien ouverts, la lumière enveloppe ensemble le Christ et Paul, le mouvement créé par le Christ est orienté vers la mission (cf. le ch. 26 où la vision et l'envoi en mission sont concomitants)

 

 

 

2 Le REALISME 

 


4-caravage_paul_balbi.jpg

 

 

 

LE CARAVAGE a représenté deux fois la scène , cette 1èreversion date de  1600, c'est une huile sur bois de cyprès, 237 x 189 cm, Rome, Collection Odescalchi Balbi

 

 

 

 


 

Une mise en scène de mouvements suspendus.Version très dramatique de l’épisode, choix du moment de rupture, qui  est rendu par l’attitude du cheval, qui se cabre, la branche qui se casse, le Christ qui descend.... Mais ces mouvements sont sur des plans très rapprochés , il n'y a aucune profondeur.

Paul se protège le visage des deux mains... Geste de frayeur, devant l'apparition du Christ , est-il sur la défensive, ou geste réflexe de l'homme qui sent sa vue lui manquer ? Son corps paraît souffrant, pourquoi son torse est-il nu ? il est désarmé, son épée est au sol.

Le soldat protège Paul, contre quelqu'un qu'il ne voit pas.  Mais surtout il fait le geste de tuer le Christ,  c'est un homme de Damas (arme et costume oriental), un persécuteur des chrétiens donc du Christ. 

 

Le Christ:  plonge vers Paul, avec un ange comme dans les théophanies mais ce n'est plus le ressuscité, c'est le Jésus d'avant la Passion, il a une ombre, et la lumière n'émane même pas de lui. C'est cette représentation qui explique le refus du tableau par son commanditaire,   Tiberio Cerasi, Trésorier-général du pape Urbain VIII.

 


 

 5-Le_Caravage._La_Conversion_de_St._Paul._1600-1601._Santa_.jpg

 

La 2de version mesure  230 x 175 cm et se trouve à l'église Santa Maria del Popolo, Rome).  

 

 


Toujours des plans ramassés sans aucune profondeur, on croit que le sabot menace  le visage de Paul, alors qu'il en est assez loin.

 

 


Cette fois le Christ est absent, comment peut on reconnaître cette scène de la conversion de Paul ? c'est la représentation d'une scène profane, Dieu se trouve dans la lumière qui tombe à la verticale mais plus sur le cheval que sur Paul. Le clair obscur a une signification symbolique : le monde terrestre est plongé dans l’obscurité, et l’intrusion divine se signale par la lumière, le clair-obscur permet au Caravage de mettre en scène la grâce, le Christ vient briser le monde d’ici-bas mais il est invisible à ceux qui n'ont pas la foi.

Saul se présente de trois-quarts arrière  : sa tête effleure le bord inférieur du cadre et nous ne sommes plus mis à l’écart.

  Il ouvre ses bras et reçoit cette fois la grâce qui s'offre. Sa posture exprime le désarroi mais ses mains font le geste des orants,  ses bras sont levés vers le ciel en un angle large, comme s'il voulait attirer à lui tout le monde et l'embrasser. Il est heureux et profite de ce moment qui dure.

Car nous ne sommes plus dans un contexte d'un moment dramatique mais dans celui d'une durée, il y a eu   la chute, la vision, le temps de desseller le cheval qui est conduit vers l'écurie. Le cheval n'abaisse pas son sabot, il le lève, le serviteur médite, Paul est vit une expérience spirituelle exceptionnelle, et nous sommes invités à le suivre.

 

 

3 LE SYMBOLISME

 

7-parmesan_converion_paul.jpg

 

LA CONVERSION DE PAUL Tableau de Francesco Mazzola dit le Parmesan (1503-1540)

 

huile de 1527 qui mesure 177x128cm et se trouve au Kunsthistorische museum de Vienne.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Christ est absent, Paul  entend mais ne voit rien

 

Le Cheval occupe la place centrale. Ce cheval blanc est signe de triomphe surtout quand il estcabré. Triomphe antique, papal mais aussi celui de l'apocalypse = triomphe et puissance

La peau de panthère qui le couvre est signe de noblesse mais c'est surtout la peau d'un animal assimilé au Christ (selon le Physiologos qui est un bestiaire chrétien de l'antiquité qui a eu une influence considérable au Moyen Âge). La panthère exhale un bon parfum qui séduit tous les animaux sauf le serpent qui fuit et le dragon qui se fige; 

quand elle revient dans sa caverne , elle dort et ne se réveille que le 3ème jour; sa peau tachetée évoque les vertus du Christ : compassion, foi, paix, pureté... 

donc ce cheval est l' image du Christ victorieux, séducteur et conquérant

 

 

Position de Paul : il ne voit rien mais n'est pas aveuglé, il doit ouvrir les yeux, mais  à quoi ? à l' Evangile et aux nouveaux chrétiens cf. ch. 26

il essaie de se relever pour se tenir prêt pour la mission. Il se lève comme l'Adam de Michel Ange, c'est une création. Ses bras sont en croix il imite le Christ. Il se relève comme Christ du tombeau, c'est une resurrection.

Paul se fait le témoin de la mort et de la Résurrection

 

 

 

Les compagnons  sont absents, le peintre isole Paul dans un baptême de lumière, il le montre recevant une révélation intérieure. Il exalte  la puissance de la grâce individuelle et le pouvoir d'une conversion radicale. Cela peut être vu comme une position luthérienne ou plutôt celle des « spirituels » de la grande Eglise dans ces années 1520-1530, le commanditaire, un professeur de médecine de l'université de Bologne en fait partie. 

 

 

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22 avril 2011 5 22 /04 /avril /2011 08:40

  

Queiques remarques

 

La scène correspond à l'évangile selon Luc ch. 24, versets 13 à 15 et 28 à 35


Le troisième jour après la mort de Jésus, deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem, et ils parlaient ensemble de tout ce qui s’était passé. Or, tandis qu’ils parlaient et discutaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient aveuglés, et ils ne le reconnaissaient pas....

Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin. Mais ils s’efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous : le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux. Quand il fut à table avec eux, il prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. Alors ils se dirent l’un à l’autre : « Notre coeur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route, et qu’il nous faisait comprendre les Écritures ? » A l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent : « C’est vrai ! le Seigneur est ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. » A leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment ils l’avaient reconnu quand il avait rompu le pain.

Lla traduction iconographique de la reconnaissance du Christ ressuscité par  les disciples prend la forme de REGARDER opposer à voir VOIR c'est à dire reconnaître.

            La  relation à la dernière Cène et à l'eucharistie est imortante, elle se traduit par les gestes du Christ,  bénir, rompre, élever,tendre le pain  et par son regard, les yeux levés au ciel s'imposent souvent dans un contexte de  sacerdotalisation. Mais les représentations sont très variées, de la communion eucharistique à la scène de genre.

             Les disciples sont traditionnellement vus comme des pèlerins, d'où des signes distinctifs souvent liés au pélerinage de St Jacques

 

Jésus se donne à voir, comment identifier le Christ ?  

 

1-caravageNGallery_1601.jpg

  LE CARAVAGE 

 

 

Cette oeuvre éxécutée à Rome en 1601, Huile et oeuf sur toile 141 x 196.2 cm.
Londres, National Gallery

 

XR au visage et à l'âge non conventionnel, « Mc 16,12 « il se manifeste sous une forme différente »
Il est seulement ambigu. La mollesse des traits le situe hors de la distinction masculin-féminin qui nous est si chère, plutôt dans l'idée de l'androgénie divine. L'absence de la barbe traditionnelle, jointe à des bajoues, le met hors de la distinction entre vieillesse et jeunesse, sans lui donner le caractère que nous attribuons généralement au jeune homme, l'énergie vitale. Christ ambigu et, pour des chrétiens habitués à un certaine image du Sauveur, à des signes d'identification, c'est un Christ non reconnaissable.
Une représentation qui a choqué ou ému ses contemporains, troublés par cette proximité du divin et de l'humain.

 

 

  Le Caravage choisit le moment où tout bascule

La stupéfaction se lit sur les visages et dans les attitudes des pèlerins et de l'aubergiste, venu les rejoindre. Sous l'effet de la surprise, l'un des disciples empoigne son fauteuil, l'autre écarte les bras, le réalisme est tellement saisissant que le spectateur a l'impression de participer à la scène.

Quelle reconnaissance ? Le cabaretier, lui, fixe Jésus et ne voit rien d'autre qu'un hôte de passage

L'ombre de l'aubergiste est sur le mur, juste  derrière le Christ , comme s'il prenant les ombres sur lui, signe de rédemption ?  

 

 

 

La Cène eucharistique est associée à la croix des bras du disciple de droite, par l’intermédiaire d’un raccourci accusé, le Caravage parvient à relier plastiquement la Crucifixion et la Cène à Emmaüs.

 

 

 

Reconnaître le ressuscité est plus facile chez d'autres

 

Ce tableau de Cavarozzi 1590 1625 est une copie du Caravage pour les poses, mais il choisit un Christ sortant du tombeau   1 D cavarozzi

 

 

Celui de Girardet 1853-1907 crée une lumière divine

 

1-E--Eugene-GIRARDET-1853---1907.jpg


Mais chez Zurbaran 1598 1664 le Christ est un pèlerin comme les autres, seuls les yeux de la foi le reconnaissent

1-F--francisco-de-zurbaran-supper-at-emmaus.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Le regard de la foi 

 

 

3--les-pelerins-d-emmaus---rembrandt.jpg

REMBRANDT 

 

Jésus à Emmaus 1628 Jacquemart André

 

OEuvre de jeunesse avec mouvements et clair obscur


C’est une révélation, un moment où la vérité éclate. Cela se montre par la stupeur des pélerins, leurs yeux écarquillés, leurs poses à la renverse, leurs mains levées en incrédulité ou en défense contre ce mystère;
l’agitation de la scène y contribue, verre vacillant, couteau basculant, chaise renversée. Ici, un seul des pélerins est vraiment dans la scène,  en pleine lumière, tout effaré.
Où est l’autre ? En regardant bien, on le voit, déjà touché par la grâce, agenouillé aux pieds de Jésus, perdu dans l’ombre.

La lumière vient de derrière le Christ, qui n’apparaît presque qu’en silhouette; le mur en devient éclairant, comme une explosion. Et il y a cet étrange nuage blanc mousseux dans l’angle derrière le bras gauche du pélerin, inexplicable.


Rembrandt_Pelerins_Avant.jpg             Rembrandt_Pelerins_Apres.jpg

  Le Christ se révélant aux pèlerins d'Emmaüs 1648 huile sur bois 68x65 Musée du Louvre

Cette oruvre vient d'être retaurée, à gauche avant restauration, à droite après restauration

 

Une scène qui s'inscrit dans un espace clos mais vaste, ouverture vers le ciel.

 

c'est le tout début du repas, la table est vide. Il rompt le pain…une clarté irréelle nimbe son visage, tandis que sur la gauche, une lumière tombant d’une fenêtre invisible éclaire sur la table la nappe blanche qui rappelle le suaire, le linceul de Jésus crucifié, retrouvé posé au troisième jour près du tombeau vide…

 

  Le Christ est éclairé mais rayonne, il partage le pain sur nappe d'autel Sa figure livide, douloureuse, d’un réalisme poignant, rappelle qu’il vient de triompher de souffrances inexprimables et de la mort, évoquée par certains détails symboliques comme le verre vide retourné à sa droite, et  le crâne brisé d’un agneau, symbole de la mort de « l’Agneau de Dieu », présenté sur le plat à sa gauche.

 

Les disciples sont opposés : à Droite, la surprise, l'incrédulité encore qui se manifeste par tout le corps

à Gauche, la reconnaissance par le foi, il se met en prière. Au fond le serviteur, regarde et ne voit rien. 

  La réalité est cachée à celui qui n'a pas la foi, lecture protestante ?

 

Le contraste entre l’évanescence de l’auréole sur l’ombre verdâtre de la niche du fond  et la lumière naturelle qui s’attarde sur les visages, les objets, creusant un clair-obscur avec les tonalités dominantes d’un brun sombre, crée cet instant indéfinissable, et comme suspendu, où la scène représentée va basculer de l’humain au divin.

 

 

  Les disciples

 

5-Diego-VELASQUEZ---1620.jpg

 

 VELASQUEZ  Repas à Emmaus MET New York (123.2 x 132.7 cm) Huile sur toile 1622


  On retrouve le Caravage avec sa rhétorique théâtrale, les  bras écartés et la lumière crue

 

 Que regardent les personnages ? 

Les disciples ne regardent pas Jésus , l'écoutent ils ? A t il disparu ?

Dans leurs  yeux le contact avec la transcendance ne s’avère pas immédiat.  

 Les personnages posent une question  douloureuse  en cherchant des réponses au fond d’eux-mêmes.

 

 

Le Christ est résolument décentré, avec une lumière de face, un  visage en mi pénombre, une légère auréole

Les disciples sont des figures populaires selon sacralisation du quotidien

6-velasquez.jpg

 

 La Mulâtresse National Gallery de Dublin 1616-19

 

Tableau nettoyé en 1933 laisse voir disciples Emmaus, il a été coupé et on a supprimé un disciple et un fourneau (connu par la description d'un contemporain)

  Le sujet est rejeté à arrière plan, on retrouve la sacralisation du quotidien. 

Les disciples ont été aveuglés, ils sont devenus insensible au divin, à cause de l'amour des biens terrestres

le spectateur peut s'identifier à cette conversion des disciples et retrouver Dieu dans le quotidien, selon le mot de Thérèse d'Avila  « Dieu est aussi présent parmi les casseroles »

Faut il aller jusqu'à econnaître Dieu à travers ce « sujet fort ridicule et drôle », une servante, une esclave?  

 

Rencontrer Dieu dans le quotidien ou Comment incarner cette scène : ?

 

  En la situant dans la vie quotidienne des hommes ?  mais s'ils regardent , voient-ils ?

                                                                                                            Jordaens 1593 1678  

                 10-Jacob-JORDAENS.jpg

 

En mélangeant scène profane et allusion religieuse, en sacralisant le quotidien frères Le Nain + 1648 Louis ou Antoine Le Nain Repas de paysans 1642 97x122 Louvre


12-les-freres-LE-NAIN----.-1645.jpg    13 Louis Le Nain 001

 

  En actualisant les participants Augustin Lhermitte 1844 1925

11-lhermitte1892.jpg

  En mèlant le sacré et le profane (bouteille de vin)  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Arcabas né 1926 

 

14-arcabas03.jpg

 

 

 

 

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23 mars 2011 3 23 /03 /mars /2011 22:05

 

CONTEXTE

 

Noli me tangere ce titre qui signifie Ne me touche pas est la traduction de la Vulgate du verset de l'évangile selon Jean au chapitre 20. Aujourd'hui certaines bibles traduisent le verset par Ne me retiens pas  

 

 

Une remarque préalable, cet évangile met en scène Marie de Magdala qui est aussi désignée en Luc, lorsque Jésus la guérit de 7 démons, mais au cours des siècles elle est devenue Marie Madeleine qui réunit sous son nom au moins trois ou quatre femmes des évangiles : Marie de Magdala, Marie de Béthanie, Marie sœur de Lazare et de Marthe, et la pécheresse de Simon. Cette synthèse est due au pape Grégoire le Grand et n'a été remise en question qu'au XVI ème s. mais est restée très populaire jusqu'à nos jours. Pour les peintres Marie Madeleine est donc au moment de cette scène, une personne qui a été possédée par des démons, une pécheresse qui a touché Jésus et embrassé ses pieds, une contemplative opposée à sa sœur Marthe, mais elle porte aussi en elle toutes les légendes postérieures qui feront d'elle la grande repentie de la Sainte Baume. Elle est l'ancienne pécheresse et la future pénitente, et la dimension amoureuse de la relation est au centre du thème iconographique.

 

Trois types de relation peuvent être mises en évidence

 

Ce tableau de Fra Bartolomeo (1472-1517) de petites dimensions : 48 cm x 57 cm est au Musée du Louvre (Achat pour Louis XII en 1506)

 1-fra_bar.jpg

Le contexte utilise les éléments traditionnels de la résurrection : vase d'onguent, tombeau, anges, bannière, auréoles, plaies du Christ, instrument du jardinier. En arrière plan le peintre représente la résurrection avec sortie du tombeau et soldats renversés selon Mt 28, 3 et 4

 

 

Marie Madeleine jette ses bras vers Christ, il la maintient à distance et cela fait obstacle à tout sentiment d'intimité.

Les jeux de mains sont remarquables : approche et désignation de l’autre, prière et bénédiction...

Jésus touche le front de Marie Madeleine, ceci en relation avec la légende des reliques de St Maximin (en 1279 on trouve sur le crâne de cette récente relique, un reste de chair que le Christ aurait touché, et qui serait resté comme un point de vie ).

 

L'axe vertical avec vase de parfums et jeu de mains, est un rappel de la mort qui a séparé, et de la nouvelle relation.

L'horizontale des verts crée un lien de vie entre les 2 personnages, tandis que la diagonale des rouges rappelle la passion au deux sens du terme.

 

La composition en plaçant la Madeleine à gauche crée une diagonale positive d'ascension, qui donne l'initiative à la femme.

 

On peut qualifier cette relation de vénération de Jésus

 

 

 

Le tableau de Hans Holbein le jeune (1498-1543) qui est à Hampton Court à Londres est aussi un tableau de dévotion 76cm x 95

2--Hans-HOLBEIN---1524.jpg

Le contexte  est plus fidèle au texte de Jean : tombeau illuminé avec 2 anges, Pierre et Jean repartant vers Jérusalem, au loin les croix du Golgotha. L'ensemble est sombre, seul le tombeau est lumière.

 

Jésus porte une robe de moine qui s'oppose aux riches parures de Marie Madeleine, coiffure luxueuse, vase précieux comme pour des parfums, est ce un rappel de la pécheresse ?

La relation est lue de façon contradictoire. Certains voient une Marie Madeleine qui s'écarte, et un Jésus qui veut s'en approcher. D'autres voient Jésus tenant Marie Madeleine à distance en la repoussant par le geste et le regard ; la séductrice réapparait car la force et la difficulté de la conversion sont suggérées par le rappel de la tentatrice.

 

Est on en présence d'une scène de tentation ? La relation est de toute façon surprise et méfiance

 

 

 

   Avec cette fresque de Giotto (1266-1337) peinte en 1320 dans l'église inférieure Saint François, chapelle sainte Madeleine à Assise, nous sommes dans un autre univers.

 3B-giotto2.jpg

Le Christ, les anges, les rochers... la mandorle, les rayons solaires, tout est repris de la tradition orientale, mais le peintre fait de Marie Madeleine une femme en deuil, toute tendue, voire déséquilibrée vers son Seigneur qui s 'écarte sans la regarder. La relation est vraie adoration du Christ reconnu comme Dieu.

 

A part la fresque de Giotto qui reprend la représentation orientale du divin, on peut être surpris de voir le Christ ressuscitéen moine ou en belle longue robe. Comment le représenter, comment peindre le vivant absolu ? Jusqu’à la fin du Moyen Âge, les artistes optent pour des attributs symboliques : une croix ou un étendard , le nimbe, le linceul blanc...

mais à l'époque moderne, ils préfèrent le corps nu comme sur le crucifix, mais alors comment passer de la mort douloureuse à la vie triomphante ? Ils recherchent la beauté de Dieu, soit en sublimant les traces de la mort, les stigmates qui donnent une beauté spéciale, soit en supprimant ces traces ce qui donne une beauté divine au corps. Mais la nudité du Ressuscité dans le contexte de sa rencontre avec Marie Madeleine n'est pas sans charge érotique. Les exemples qui suivent le montrent

 

Nous avons vu que le fait de placer Marie Madeleine à gauche, lui donne l'initiative. Nous allons maintenant voir Jésus la prendre.

 

Albrecht Dürer (1471-1528) Le Christ en jardinier, gravure de la série

La Petite Passion sur bois, 1509-1511 Les bois sont visibles au British Museum de Londres .

 5--Durer_1510.jpg

Tous les éléments du contexte sont présents dans le lointain, le Christ ressuscité est nu avec ses stigmates mais les signes du jardinier sont très marqués.

 

Jésus est à gauche à contre jour, il est entre le soleil, symbole de Dieu et Marie Madeleine, superbe diagonale descendante de Dieu vers elle et aussi vers nous puisque nous sommes derrière elle. Le Christ est le médiateur et le spectateur est appelé à le reconnaître comme Marie Madeleine le fait.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Titien (1490-1576) huile de 109cm x91 daté de 1512 à la National Gallery de Londres

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Tout est mouvement

Marie Madeleine se jette aux pieds du Christ, mouvement accompagné par son long manteau

Christ est dans un plan perpendiculaire, il vient vers nous mais il se détourne pour se pencher vers elle, tout en relevant son suaire,

Le paysage accompagne les mouvements : à droite une masse descendante jusqu'au Christ qui la prolonge, puis il s'oriente vers droite.

Mise en valeur de la beauté désirable d'un corps, dont plaies ont presque disparu

L'image visualise une relation affective, mais avec une nette érotisation. Marie Madeleine voit le buste et le visage du Christ, nous son corps et nous sommes dans l'instant de la reconnaissance et de l'interdit de toucher.

La dimension religieuse subsiste mais l'iconographie classique est réduite à la bêche, il n'y a plus ni tombeau, ni bannière... le sujet commence à être traité comme une pastorale.

 

 

 

Bronzino 1503-15721 291 x 195 cm peint en 1560 pour la chapelle de Santo Spirito de Florence

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Le Christ est nu sans blessure tel un athlète, il se contorsionne dans une sorte de danse élégante, est ce pour inviter Marie Madeleine à la joie de la résurrection ou pour lui échapper ?

A noter que Marie Madeleine est d'une grande sagesse : la diagonale des regards s'oppose à sagesse de ses bras (en orante), le rouge est caché, les cheveux peu visibles

La représentation nécessite un contexte narratif = tombeau et 2 autres femmes (selon Marc)

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour à la vénération de Fra Bartolomeo et au mouvement vers le haut de Durer dans ce Correge1489-1534 huile de 1489 au Prado   

9--Coregenoli_me.jpg

Le Christ estbeau et nu, sans plaie ni souffrance

Marie Madeleine en riches vêtements et en cheveux, c'est l'amante

On retrouve des éléments traditionnels : bêche, chapeau, décor opposant arbre mort et vivant

 

Jésus montre le ciel à Madeleine qui est à genoux

Diagonale du désir qui va de Marie Madeleine au Christ, est orientée vers Dieu, la frustration de Marie Madeleine s'exprime par le geste des bras en arrière, donc inversion du geste traditionnel. Les regards rapprochent , les gestes éloignent

 

 

 

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11 février 2011 5 11 /02 /février /2011 18:20

Ce blog reprend la suite de celui qui porte le même nom mais se trouve à l'adresse suivante http://artbiblique.over-blog.com 

 

Les articles déjà publiés dans le cadre du groupe biblique d'Odile Roman-Lombard, pasteure de la paroisse réformée de Fontainebleau seront désormais publiés ici

 

 

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La Transfiguration est un passage que l'on trouve dans les 3 évangiles synoptiques, Matthieu, Marc et Luc, mais je donne ici le texte de Luc et sa suite qui raconte la guérison ratée d'un enfant épileptique par les apôtres Luc 9, 28-36 puis 37-42 (voir en bas de page)

Cette suite est nécessaire pour comprendre le chef d'œuvre de Raphaël appelé la Transfiguration, une huile sur bois, de 4 m x 2,80 qui se trouve au Musée du Vatican.

1 raphae49 Transfiguration 1520.jpg 

La composition de la Transfiguration montre deux parties distinctes : le miracle du garçon possédé dans la partie basse et la Transfiguration du Christ sur celle du haut.

Dans la partie supérieure.
Sur une montagne représentée par un monticule de terre, le Christ est transfiguré dans une aura de lumière et de nuages, il est en lévitation, il flotte au-dessus de la colline, accompagné de Moïse et Elie, eux aussi en lévitation.
Jésus est vêtu de blanc, les hanches larges, le drapé flottant, une vive lumière blanche l'entoure...
il est accompagné d'un vent, surnaturel, visible dans les drapés d’Elie et de Moïse ainsi que dans leurs cheveux. Ses bras tendus sont ceux d’un orant, mais certains y voient la croix future. Lumière, souffle, nuages... sont des éléments pour traduire la « nuée » qui marque la présence de Dieu.
Moise et Elie
sont debout et regardent la nuée, ils ne font rien, et ne parlent à personne. On les distingue mal, Moïse semble être à gauche.
Les trois apôtres sont aveuglés, ils ne voient rien, ils sont pris dans un double mouvement : écrasés mais emportés par le souffle divin , surtout Pierre au centre et Jean à droite, Jacques est prostré.

La partie basse nous ramène sur terre. Une foule de 19 personnes est divisée en deux groupes par un grand vide oblique, mais le croisement des regards maintient l’unité. C'est ce vide qui marque l’absence de communication entre les deux groupes.
A droite, tous entourent un jeune garçon possédé, soutenu par son père vêtu de vert,
L'enfant a les bras écartés, un vers le ciel, l'autre vers le sol, les yeux révulsés. C'est un vrai enfant malade.
La foule qui entoure l’enfant , son père , sa mère , le désignent, tous regardent et interrogent les apôtres qui sont à gauche, la paume ouverte et tendue d'un homme se tourne vers le ciel, en supplication.

À gauche les neuf apôtres, qui ne parviennent pas à guérir l’enfant, sont pris également de panique, lisible dans leurs gestes, leurs regards, leurs mimiques... Une main ouverte marque la stupeur , deux autres dressées vers le Ciel l'invoquent et rejoignent ainsi celle de l'homme de droite dont la main suppliait le ciel.
Au centre : La jeune femme de dos, est très belle, vêtue à l’antique, à genoux, elle fait le lien entre les deux groupes, ce peut être Marie de Magdala, guérie des 7 démons, elle témoignerait du miracle accompli sur elle par Jésus, manifestant ainsi l'impuissance des apôtres.

Quel est le rapport entre ces deux scènes ?
Il n'y a pas d’unité spatiale, les 2 groupes ne se voient pas,
cela rend compte du texte qui insiste sur la concomitance entre la théophanie du haut et l'impuissance du bas . L'unité est narrative et temporelle.
Notre regard passe de l’obscurité du bas à la lumière du haut. Cette impuissance est traduite par opposition entre les 2 mondes : le Christ seul élevé dans sa gloire, formant avec Elie et Moïse, un cercle parfait et lumineux contre la foule nombreuse, désordonnée qui manifeste sa faiblesse .

Peut-on lire la crise de l'enfant comme une autre transfiguration ? Cet enfant dont les yeux pourraient exprimer une sorte d’extase, de vision donnée par la transe… l'enfant serait le seul à « voir » la Transfiguration du Christ. Mais le texte parle de transe démoniaque et non divine, et le peintre représente cette dernière tout en douceur, lumière et rayonnement, alors que celle de l'enfant est déformation, violence et agitation.

La scène du haut comporte à droite deux petits personnages qui sont en train de prier. Ce sont deux saints dont la fête tombe le même jour que celle retenue pour la Transfiguration, le 6 août. Ces saints sont les seuls à voir la scène, comme nous, ils sont en adoration et nous servent donc de relais, ils nous invitent à faire de même « Les 2 mondes, humain et divin restent contradictoires mais ils entrent en relation, douloureuse et violente chez les 3 apôtres, calme et béatifique chez les 2 saints » écrit Daniel Arasse

Mais pour quelle raison le peintre a-t-il donné une description aussi exceptionnellement exacte de la maladie dans un tableau d'autel qui répond avant tout à des fonctions dévotionnelles et liturgiques ? Selon toute probabilité, Raphaël voulait donner une image aussi frappante que possible de la « maladie » de l'Eglise et suggérer que seule la foi, symbolisée par les deux petits personnages en prière, parviendrait à guérir cette « maladie ».

De quelle maladie peut-il s'agir ? Le tableau a été commandé en 1517 par Julien de Médicis, un cardinal humaniste et chrétien fervent, il le voulait pour la cathédrale de Narbonne, dont il était archevêque. L'œuvre a été terminée par Raphaël juste avant sa mort en 1520. La date de 1517 suggère que la « maladie » est celle de la contestation de Luther, dont les thèses sont publiées cette année là. Les catholiques ( à droite) doutent et s'interrogent sur la voie à suivre ; ils se tournent vers les apôtres( à gauche) qui symbolisent le clergé. Un apôtre ( en rose) donne la réponse en montrant le Christ. Les chrétiens doivent faire confiance à l'Eglise et au Pape et donc rejeter la contestation luthérienne. Mais Daniel Arasse fait remarquer que pour un cardinal comme Julien de Medicis, l’important en 1517 c’est plutôt la fin du concile commencé à Pise et terminé au Latran (1510-1517) et qui laisse les mains libres au pape Léon X pour la rénovation de l’Eglise. La scène montre donc une voie à suivre, voie qui hélas ne sera pas suivie, ni par Léon X, ni par Julien de Médicis lorsqu'il deviendra le pape Clément VII entre 1523 et 1534.

La transfiguration Giovanni Bellini (1430-1516). 1480-1485 huile sur toile , 151 cm sur 105. Museo e Gallerie Nazionale di Capodimonte – Naples.

 

 

5 bellini.jpg

Quel contraste avec la représentation de Raphaël.
Ni vent, ni nuée , ni lévitation, Jésus est habillé couleur du ciel, mais la lumière ne vient pas sur lui, ni de lui, elle est partout dans la scène, qui se passe dans un belle campagne italienne. La théophanie a lieu dans le quotidien de la vie ordinaire, au pied des montagnes et non sur la montagne. Le paysage montre une scène champêtre, une abbaye, un château…une ville peut être.

 

Les 3 apôtres sont à terre mais sans rapport avec l'événement qu'ils voient. Ils sont très différenciés du point de vue des âges, représentent ils les 3 âges de la vie ? Insouciance de Jean à droite, appréhension de Jacques à gauche, et confiance du vieux Pierre au centre ?

 

Jésus est comme une icône, représenté frontalement il interpelle ceux qui le regardent, et donc nous. Mais entre lui et nous, il y a un fossé profond et une barrière, nous sommes tenus à l'écart. Une scène qui se passerait au quotidien mais pas le nôtre ? Certains voient dans le rocher, le tombeau du Christ, est-ce la mort et la résurrection de Jésus qui nous séparent de lui ? Cette idée de résurrection se retrouve dans le paysage, à gauche l’hiver sombre et nu, et à droite, le printemps clair et feuillu. Donc la lecture de gauche à droite est une résurrection.

 

Une transfiguration “humaine”, une absence de séparation entre le ciel et la terre, une invitation à vivre la résurrection.

La Transfiguration par Barna da Siena  mort en 1380

9 transBarnaSiena.jpg

Cette image est un morceau de la fresque du Nouveau Testament, dans la collégiale de San Gimignano, le peintre est peu connu, c'est un rare survivant de la grande peste de 1348

qui décima les artistes.

 

Cette fois on est en pleine théophanie, Jésus avec son livre, bénit comme le Christ pantocrator, il est placé dans une sorte de mandorle, la lumière vient du Christ et se diffuse dans la nuit. On dirait la nuit de Gethsémani, mais en même temps Jésus annonce la résurrection

 

Elie, Moïse regardent Jésus et le prient, parmi les apôtres Pierre a la même attitude que Moise, il acquiesce parfaitement, Jean est aveuglé, Jacques renversé.

 

Le peintre a été marqué par Byzance, par les théophanies orientales. La transfiguration y est vue comme annonce de la Résurrection, mais aussi comme une annonce du retour du Seigneur.

 

12 ste_catherine.jpgCette mosaïque de 565 se trouve au monastère Ste Catherine au Sinaï. Le Christ est en lévitation mais sans vrais repères spatiaux, il est au centre d'une mandorle en oeuf. Elle est étrangement plus sombre vers le Christ que vers extérieur, car selon les orientaux la lumière divine excède la vision humaine, elle devient obscurité pour nos sens

 

 

 

 

 

Cette célèbre mosaïque de St Apollinaire in Classe à Ravenne, date aussi de la moitié du 6ème siècle.14 RAVENNE TRANFIGURATION.jpg

C'est bien la croix qui est signe de victoire et de résurrection dans le cercle parfait du ciel étoilé, mais où voit-on une transfiguration ?

 

Au milieu d'un ciel d'or parcouru par des nuages, s'inscrit un grand disque bleu semé d'étoiles qui entourent une grande croix centrale constellée de pierres précieuses avec en médaillon central, la tête du Christ. L'image de la croix matérialise la présence directe du Christ car dans cetart le signe s'identifie à celui qu'il représente. Des nuages sort la main du Père qui désigne le Fils.

 

 

15 Transfiguration_La_Croix_salut_pour_le_monde_Basilique_de_Saint-Apollinaire-in-Classe_a_Ravenne_vers_550.jpeg.jpgLe sommet de la croix est surmonté d'une inscription grecque IXΘUS qui signifie "Poisson", initiales des cinq mots grecs : " Jésus Fils de Dieu Sauveur". Alpha et Omega, début et fin de l'aphabet grec, sont de chaque côté de la croix.

Dans les nuages, de chaque côté de la croix, les figures d'Élie et de Moïse. Leur présence témoigne de la signification de la scène, quant aux apôtres Pierre, Jean et Jacques, ils sont symbolisés par les trois agneaux, qui en-dessous, regardent la croix. 

 

 

 

 

 

C'était la représentation de la Transfiguration entre vision théologique, mystique et narrative

 

Evangile selon Luc 9, 28-43
Environ huit jours après qu'il eut dit ces paroles, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il monta sur la montagne pour prier.
Pendant qu'il priait, l'aspect de son visage changea, et son vêtement devint d'une éclatante blancheur.
Et voici, deux hommes s'entretenaient avec lui: c'étaient Moïse et Élie,
qui, apparaissant dans la gloire, parlaient de son départ qu'il allait accomplir à Jérusalem.
Pierre et ses compagnons étaient appesantis par le sommeil; mais, s'étant tenus éveillés, ils virent la gloire de Jésus et les deux hommes qui étaient avec lui.
Au moment où ces hommes se séparaient de Jésus, Pierre lui dit: Maître, il est bon que nous soyons ici; dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. Il ne savait ce qu'il disait.
Comme il parlait ainsi, une nuée vint les couvrir; et les disciples furent saisis de frayeur en les voyant entrer dans la nuée.
Et de la nuée sortit une voix, qui dit: Celui-ci est mon Fils élu: écoutez-le!
Quand la voix se fit entendre, Jésus se trouva seul. Les disciples gardèrent le silence, et ils ne racontèrent à personne, en ce temps-là, rien de ce qu'ils avaient vu.

 
Le lendemain, lorsqu'ils furent descendus de la montagne, une grande foule vint au-devant de Jésus.
Et voici, du milieu de la foule un homme s'écria: Maître, je t'en prie, porte les regards sur mon fils, car c'est mon fils unique.
Un esprit le saisit, et aussitôt il pousse des cris; et l'esprit l'agite avec violence, le fait écumer, et a de la peine à se retirer de lui, après l'avoir tout brisé.
J'ai prié tes disciples de le chasser, et ils n'ont pas pu.
Race incrédule et perverse, répondit Jésus, jusqu'à quand serai-je avec vous, et vous supporterai-je? Amène ici ton fils.
Comme il approchait, le démon le jeta par terre, et l'agita avec violence. Mais Jésus menaça l'esprit impur, guérit l'enfant, et le rendit à son père.

 

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13 janvier 2011 4 13 /01 /janvier /2011 18:18

 

 Le texte de l'évangile de Jean au ch. 5 versets 1 à 18 (voir en bas de page) ne parle pas vraiment d’un paralytique mais la tradition l’a dénommé et donc représenté comme tel. L’étude du texte a montré aussi, que le miracle n’est sans doute pas l’essentiel du message. Il oriente plutôt vers la transgression faite par Jésus en faisant porter un grabat, et en guérissant, c'est-à-dire en travaillant comme seul Dieu peut le faire, un sabbat. Transgression qui mène à la Passion.

 

Mais l’iconographie se concentre uniquement sur le miracle que les artistes représentent soit avant soit après. Peu mettent en scène le moment de la guérison elle-même, j’ai choisi une œuvre de Quentin Varin (1570-1626).  Cette très grande toile, 343x260 cm, est très peu connue, elle se trouve dans l’église Saint Louis de Fontainebleau.  Le peintre  originaire du diocèse de Beauvais, faisait  partie des cercles princiers de la Réforme catholique française, il a peint plusieurs œuvres pour des églises parisiennes et de rennaises. Cette toile, sans doute son chef d’œuvre, a été offerte à la toute nouvelle église de Fontainebleau, qui dépendait encore de la paroisse d’Avon, en 1624 par le roi Louis XIII.

 

La guérison du paralytique3.jpg

 La scène correspond au verset 8 : « Jésus lui dit : « Lève-toi, prends ton grabat et marche. « – Et aussitôt l’homme fut guéri ; il prit son grabat et il marchait. » 

Le peintre reprend les références à la piscine, au portique et au contexte humain « [il] gisait une multitude d’infirmes…»

Le regard est de suite attiré par la main du Christ, qui est au centre du tableau, Jésus donne la guérison comme Dieu donne la vie.  On reconnaît dans ce geste générateur de vie, celui de Dieu, dans la célèbre création d’Adam par Michel Ange. Et aussitôt le paralysé bondit, il sort de sa civière qui était profonde comme un cercueil, il se relève de son infirmité d’un mouvement qui devient signe de résurrection.

 Deux cercles concentriques rassemblent personnes et actions :

Le cercle du centre est petit et situé en arrière plan, un homme allongé est soutenu par deux autres qui le descendent dans la piscine afin qu’il soit guéri dès le bouillonnement de l’eau.

Le second cercle occupe le plan central et toute la largeur du tableau.

Deux mouvements le dynamisent, à droite, le bras de Jésus qui se tend vers le paralytique, à gauche le malade guéri dont le bras droit soulevant le grabat, est comme attiré par le geste de Jésus..

Quant au premier plan il montre des malades allongés et écrasés,  en opposition totale à la  puissance du paralysé bondissant, ils semblent n’être que des faire-valoir.

Le grand cercle enveloppe le petit, comme la Nouvelle Alliance englobe l’Ancienne. Le cercle du fond montre une guérison faite selon les prescriptions de la Loi. Le cercle principal montre le Christ qui tend la main droite et prend à témoin le ciel en le désignant de la gauche, cette fois la guérison est réalisée par le geste et la parole de Jésus. Et ce cercle englobe le premier car l’action de Jésus englobe et dépasse la Loi.

Les personnages du premier plan, sont-ils seulement des faire valoir ? A gauche un homme mûr, barbu, appuyé sur sa canne et qui ressemble beaucoup à l’ancien paralysé. A droite, un enfant et un personnage imberbe qui peut être un jeune homme ou une femme.

Peut être sommes nous en présence des trois âges de l’homme, celui qui a passé toute sa vie infirme, et qui maintenant est guéri, relevé, sauvé.

Mais si le personnage de droite est une jeune femme, une autre lecture est possible, car  la femme est en position d’accouchement. Or l’enfant semble plus vouloir entrer dans le sein de sa mère qu’en sortir, et déjà grand, il reproduit exactement les gestes du paralytique guéri, comme s’il était son double. Cela fait penser à la parole de Jésus à Nicomède : «  A moins de naître d’en haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu. Nicodème lui dit : « Comment un homme peut il naître, étant vieux ? Peut il une seconde fois entrer dans le sein de sa mère et naître ? » Jn 3, 3-4. Par la parole salvatrice de Jésus, le paralytique est « re-né » et l’enfant qui en est son image par les gestes, montre symboliquement cette renaissance en mimant la parole de Nicodème.

 

Mais avec la piscine le contexte baptismal est évident. Si la scène du fond évoque la pratique liée au temps du Temple, elle peut aussi être transposée dans le nouveau contexte chrétien. L’homme du fond est plongé dans l’eau, il est baptisé, il va renaître comme l’enfant du premier plan, et sera guéri comme l’a été le paralytique. Et à qui est proposé cette nouveauté ? A l’homme malade et prostré du premier plan à gauche, qui ressemble au paralytique comme à un frère, il est celui à qui est offert le baptême de la nouvelle Alliance, hier, aujourd’hui et demain. De narratif et théologique, le tableau devient dévotionnel.

 

 Les représentations de ce miracle sont d’ailleurs dévotionnelles car elles sont souvent  faites pour être placées dans des hôpitaux, pour être méditées par les malades et ceux qui les soignent.


 

 Bartolomeo MURILLO (1617-1682) peint ce  Jésus guérissant le paralytique à la piscine de Bethesda, en  1670 pour la Confrérie de la Charité de Séville. La toile qui me2 Christ-healing-the-Paralytic-at-the-Pool-of-Bethesda-Murillo.jpgsure 237 x 261 cm se trouve à National Gallery  de  Londres 

La scène se passe en plein air, autour de la piscine, une place magnifique, inondée de soleil, avec de belles colonnades parfaitement dessinées. A droite, un espace vide avec quelques  malades et des gens qui s’apprêtent à les aider, mais pas de foule. Le ciel s’entrouvre et l’ange apparaît annonçant le prochain bouillonnement de l’eau. Une grande diagonale part du ciel vers le paralytique,  une manière de montrer  la miséricorde qui descend sur lui, par l’intermédiaire de Jésus, mais la parole de Jésus anticipe l’action de l’ange.

Au premier plan,  Jésus est entouré de ses apôtres, ce sont des hommes du 17ème s. un peu moins pour Jésus,  il tend la main vers un malade et  lui parle. Il le regarde intensément, tout comme ses disciples, toute l’attention est tournée vers le malade, vieil homme pitoyable, malade depuis 38 ans,  couché sur son grabat, sa cruche et son écuelle à portée de main.  Jésus l’interroge « veux tu retrouver la santé ? » le malade tend les mains en position d’orant, et explique qu’il ne peut bouger seul pour prendre le bain purificateur. 

Jésus lui tend la main comme pour le relever. Jésus parle et c’est sa parole qui va accomplir le miracle. La parole est représentée par des gestes et un échange de regards, mais on ne voit rien encore.  Rien de proprement religieux dans ce tableau, seulement la charité et la compassion.


Au calme de l’œuvre de Murillo, s’oppose l’agitation de celle de Iacopo Nigreti (1550 - 1628) plus connu sous le nom de Palma Giovane.   3 Giovane PALMA ; 1592.jpg

La toile s’appelle « La piscine probatique » ,  elle date de 1592 ; mesure 109x93 cm, et fait partie de la  Collection Molinari Pradelli, à Castenaso. 

 Cette fois la scène se passe après le miracle, le paralytique part rapidement avec son grabat, l’apôtre Jean le regarde, Jésus le désigne de la main mais il est déjà loin. D’ailleurs Jésus se penche déjà vers un autre malade, une jeune femme. Le peintre interprète le texte : « il gisait une multitude d’infirmes », comme une série de miracles de guérison à venir.

Les personnages forment un cercle ou un carré dont Jésus est le centre, le paralytique guéri est en haut à gauche, il semble pressé de partir.

 La jeune femme inconsciente sera la prochaine, un vieil homme aveugle (?) s’avance. Au centre la tête lumineuse de Jésus, au sommet de deux diagonales, celle du regard vers la femme malade, celle de la main qui montre la guérison passée. Calmes, les uns écoutent, les autres attendent, ils forment un carré dans lequel Jésus pénètre.

Au fond à droite, règne une agitation certaine, est ce en rapport avec le tourbillon qui va venir ? Est ce pour cela  la femme nue, si blanche, s’agite, telle une possédée ?

Deux espaces l’un agité et inefficace lié à la piscine probatique, l’autre calme et salvateur celui de la Parole du Christ. Mais dans les deux espaces, toute la richesse humaine des regards qui s’échangent.

 


Ce « Jésus guérissant le paralytique de Bethesda » est de   Giandomenico TIEPOLO 1727 – 1804 le fils du grand  Gianbattista. Cette œuvre de 112 x 179 cm, est au Mus »e du Louvre.4 tiepolo.JPG

On ne voit pas la piscine, et l’ange du premier plan donne le seul mouvement dans une composition faite de trois bandes parallèles statiques. Le contexte semble oublié,  à gauche on distingue un buste de Tibère, avec l’inscription TIBERIUS CAESAR, cela ajouté à la colonnade romaine, éloigne de Jérusalem. Quant aux malades et à la foule, tous sont habillés comme au XVIIIème s., on voit même à gauche une femme agenouillée, portant une coiffe. A l’inverse l’ange montre Jésus comme fils de Dieu, homme du miracle,  nimbé de lumière, vêtu à l’antique de couleurs éclatantes.

 

Le miracle a eu lieu, le paralytique part sur la droite, personne ne le regarde, tous sont tournés vers Jésus qui à nouveau dans cette ville italienne peut faire des miracles comme il y dix sept siècles.

 

 Les paralytiques portent leurs grabats, pourquoi sont-ils si gros et si lourds ?

 

5 Peintre néerlandais inconnu; entre 1560 et 1590,.jpgCette  peinture d’un peintre néerlandais inconnu entre 1560 et 1590,  n’est pas dans le contexte de la piscine de Béthesda, mais dans celui du paralytique des évangiles synoptiques (Marc 2 et Luc 5), on voit la maison dont le toit a été percé, mais ce sont les mêmes mots du Christ et le même grabat.

 

Un homme sain, un homme fort, qui porte son grabat en signe de libération. Il était écrasé par sa maladie, ses péchés, maintenant il en est libéré, mais il peut porter le signe de sa douleur passée.

 

Le Christ porte sa croix de la même façon, à son tour l’homme porte sa croix, mais comme  pour le Christ, la croix devient le signe de la victoire sur la mort.

 Plusieurs lectures pour un signe fort.

 

 Evangile selon Jean 5, 1-18 traduction TOB

 Après cela et à l'occasion d'une fête juive, Jésus monta à Jérusalem. Or il existe à Jérusalem, près de la porte des Brebis, une piscine qui s'appelle en hébreu Bethzatha. Elle possède cinq portiques, sous lesquels gisaient une foule de malades, aveugles, boiteux, impotents. [qui attendaient l'agitation de l'eau, car à certains moments l'ange du Seigneur descendait dans la piscine ; l'eau s'agitait et le premier qui y entrait après que l'eau avait bouillonné était guéri quelle que fût sa maladie.] Il y avait là un homme infirme depuis trente-huit ans.

Jésus le vit couché et, apprenant qu'il était dans cet état depuis longtemps déjà, lui dit : «  Veux-tu guérir ? » L'infirme lui répondit : «  Seigneur, je n'ai personne pour me plonger dans la piscine au moment où l'eau commence à s'agiter ; et, le temps d'y aller, un autre descend avant moi. « Jésus lui dit : «  Lève-toi, prends ton grabat et marche ». Et aussitôt l'homme fut guéri ; il prit son grabat, il marchait. Or ce jour-là était un jour de sabbat.

Aussi les Juifs dirent à celui qui venait d'être guéri : «  C'est le sabbat, il ne t'est pas permis de porter ton grabat ». Mais il leur répliqua : «  Celui qui m'a rendu la santé, c'est lui qui m'a dit : « Prends ton grabat et marche. » Ils l'interrogèrent : «  Qui est cet homme qui t'a dit : «  »Prends ton grabat et marche »  ?  Mais celui qui avait été guéri ne savait pas qui c'était, car Jésus s'était éloigné de la foule qui se trouvait en ce lieu. Plus tard, Jésus le retrouve dans le temple et lui dit : «  Te voilà bien portant : ne pèche plus de peur qu'il ne t'arrive pire encore ! »  L'homme alla raconter aux Juifs que c'était Jésus qui l'avait guéri.  Dès lors, les Juifs s'en prirent à Jésus qui avait fait cela un jour de sabbat.  Mais Jésus leur répondit : «  Mon Père, jusqu'à présent, est à l’oeuvre et moi aussi je suis à l’œuvre ».  Dès lors, les Juifs n'en cherchaient que davantage à le faire périr, car non seulement il violait le sabbat, mais encore il appelait Dieu son propre Père, se faisant ainsi l'égal de Dieu.

 

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16 décembre 2010 4 16 /12 /décembre /2010 18:15

 

 

L'annonciation à Marie dans l'évangile selon Luc est un texte très connu (Luc 1 ,26-38) mais lorsqu'on demande à quelqu'un de le restituer de mémoire, on s'aperçoit que le résultat est bien appauvri. C'est un peu ce qui était proposé à travers quelques images picturales de l'Annonciation. Quel récit ces images vous suggèrent elles ?

1MESSINA.jpg

 

 

 

Cette huile sur bois d'Antonello da Messina date de 1476, elle est intitulée, "Annunziata"

Le titre surprend car pour tous, l'Annonciation suppose la présence de l'ange Gabriel. Ici il est absent ou hors champ.

La scène se passe dans un lieu indéterminé, Marie lit et soudain elle voit, ressent... la présence de quelqu'un, elle ferme alors son voile avec sa main gauche, par pudeur, elle cesse sa lecture et lève les yeux.

Il y a donc bien une présence, Marie ne nous regarde pas elle fixe son regard vers la gauche, un peu en bas, que voit elle ? un ange ? qui est à genoux ? ou a-t-elle simplement le sentiment, la sensation d'une présence ? Ses yeux sont songeurs.

Marie est surprise, mais le geste de sa main droite peut être interprété de plusieurs façons: trouble, étonnement, appréhension... devant ce qu'elle voit ou par rapport à ce qu'elle entend ? on peut aussi voir sa bouche prête à s'ouvrir pour parler.

Ce petit tableau de dévotion (45 x 34 cm) veut rendre compte de l'évènement à travers les sentiments de Marie. Le récit que nous sommes amenés à faire est psychologique.

 

2 tanner.jpg

 

 

 Plus de 400 ans plus tard on trouve cette même recherche dans  cette huile d'Henri Tanner, (Annonciation, Musée des Arts de Philadelphie)

 Cette fois, le récit est situé dans un cadre culturel, une chambre close, un univers "oriental" avec tapis, tenture, voûtes...

Un récit qui précise l'heure aussi, c'est la nuit, Marie dormait, le lit est témoin d'un sommeil agité, elle s'est réveillée et a passé un peignoir, signe de pudeur comme le voile refermé du tableau précédent.

Marie regarde-t-elle la colonne de lumière, de feu ? non ses yeux sont dans le vague, elle semble plutôt méditer sur cette présence. Elle ne manifeste ni surprise (elle est passée), ni crainte, ses mains expriment la concentration, une joie intérieure et un grand respect... elle est à l'écoute de Dieu.

Et l'ange ?  ici la colonne de feu évoque la présence de Dieu auprès de Moïse pendant la nuit (Exode 13, 21), une théophanie qui vaut bien celle d'un messager (ange de Dieu), traditionnellement un homme vêtu de blanc. Cette colonne est-elle réelle ou vision intérieure ? Marie, la voit, la sent, l'écoute et va y répondre, nous sommes toujours dans la tradition des peintres qui veulent rendre une narration psychologique.
Précisons simplement que cet Henri Tanner (1859-1957) était un noir américain , fils de pasteur méthodiste, qu'il connaissait Tanger, et que le modèle de ce tableau, est sa future femme, une jeune fille blanche.

 

6 Weyden.jpg

 

 

Retour au XV ème s. avec cette Annonciation de Rogier van der Weyden (Musée du Louvre)

Cette fois nous sommes dans la chambre d'une belle demeure flamande, une chambre stricte, bien ordonnée, avec ce grand lit ouvert mais non défait, surmonté d'une image pieuse.

Marie est saisie dans son intimité, elle a les cheveux défaits, elle est vêtue sobrement, elle est à genoux, occupée à lire comme les jeunes femmes pieuses de la devotio moderna.

Un jeune homme apparaît dans cette chambre, ce pourrait être un prêtre avec sa belle chape de brocart, mais les ailes en font un ange, il semble flotter dans les airs, il amorce un geste de génuflexion, il parle en souriant, il sollicite...

Marie incline sa tête du côté de l'ange, elle sourit et ouvre sa main droite, en signe d'acceptation ?

Nous sommes toujours dans un regisre psychologique mais des objets symboliques s'y surajoutent, les lys bien sûr, mais aussi des éléments qui ne nous parlent plus: le manteau de la cheminée qui est fermé tant pour indiquer le printemps, que pour pour montrer que le feu de la passion charnelle est fermé par un volet marqué d'une croix, ou encore ce vase clos, posé sur le rebord de la cheminée, et qu'un rayon de soleil traverse sans l'altérer, comme le sein de Marie sera traversé par le rayon divin sans altérer sa virginité.

Le discours théologique pointe derrière la narration psycologique.

 

3 Fra_Angelico_Cortone 1434 tempera sur panneau de 175 cm x 180 cm..jpg

Cette Annonciation de Fra Angelico nous transporte dans un autre monde. Il en a peint plusieurs, celle-ci date de 1433, c'est une détrempe sur bois,  centre d'un retable de 175 x 180 cm, conservé au Musée diocésain de Cortone.

Le récit cède la place à la construction théologique.

La maison de Marie, est un portique carré de 3 travées, qui se prolonge par une pièce fermée par un rideau rouge, c'est la chambre de Marie, le lieu clos, l'espace sacré, le saint des saints, fermé par un rideau comme celui du Temple de Jérusalem (et que Marie a tissé, selon une texte apocryphe)

La maison donne sur un jardin bien clos, allusion érotique du  Cantique des Cantiques où la bien-aimée est comparée à un jardin clos "Tu es un jardin clos, ma sœur, mon épouse, un jardin clos, une fontaine scellée. » (Ct 4, 7-12).
Mais le jardin est luxuriant, c'est le jardin d'Eden, avec ce bel arbre toujours vert, l'arbre de vie. Par opposition derrière ce jardin paradisiaque, on trouve un espace désertique et désolé, c'est là que sont chassés Adam et Eve. Le jardin de Marie est un nouvel Eden, car Marie est la nouvelle Eve.

La relation entre cette maison jardin et le jardin des origines, est donnée par la perspective. Mais elle est étrange, généralement l'impression de fuite est donnée par un mouvement d'avant en arrière (le point de fuite passant par une fenêtre ouverte), ici rien de tel, le point de fuite est sur la zone désolée, et l'impression ressentie est celle d'un mouvement d'arrière en avant, comme si le passé, la faute d'Adam et d'Eve, se projetait en avant, vers ce "oui" que Marie va prononcer. Elle est bien la Nouvelle Eve, celle qui va permettre la venue du Sauveur.


Marie est assise sur un trône, un tapis sous les pieds, elle accueille l'ange avec joie, sérénité et acceptation. Elle lisait, il s'agissait de la prophétie d'Isaïe (Is 7, 14) "Voici que la jeune femme [la vierge selon la traduction de la Septante et de la Vulgate] est enceinte et enfante un fils, et elle lui donnera le nom d'Emmanuel" . D'ailleurs c'est Isaïe que l'on voit en médaillon sculpté au dessus de la colonne, un rouleau à la main. Marie laisse glisser son livre, il est désormais inutile,  puisque la prophétie se réalise.

L'ange est beau et somptueux par son vêtement et ses ailes. Il s'incline devant la Vierge et lui parle. Le texte est écrit en lettres d'or. Il dit "spiritus sanctus superveniet in te" (l'Esprit saint viendra sur toi) et la phrase se dirige vers la tête de Marie, tandis qu'une colombe apparaît justement au dessus d'elle, cet oiseau symbole de l'Esprit Saint (depuis les récits du  baptême de Jésus) s'inscrit dans un astre de feu, comme une étoile, celle qui annoncera aux mages, la naissance de Jésus, celle qui guide vers le Fils de Dieu.
La seconde phrase de l'ange est : "virtus altissimus obumbrabit tibi" (la force du Très Haut te couvrira de son ombre), et il la dirige vers le sein de la Vierge.


Marie répond : "ecce ancilla domini fiat mihi secundum verbum tuum" (je suis la servante du Seigneur, qu'il soit fait selon ta parole), cette phrase est écrite à l'envers, de droite à gauche, elle est dite et écrite pour Dieu, mais fait plus étrange, le "fiat mihi secundum" qui est le coeur de l'acceptation est caché par la colonne ! Caché à moins qu'il ne passe à travers elle, comme l'a suggéré Daniel Arasse, à travers cette colonne, image du Christ (arbre de vie reliant le ciel et la terre) qui va advenir par cefiat.

Nous sommes loin des oeuvres précédentes,cette peinture n'a pas pour objet de raconter l'histoire mais de faire méditer le croyant sur le dogme, sur sa foi. Il s'agit d'une oeuvre mystique.

4 annonciation-lotto1.jpg

 

Juste un siècle après Fra Angelico, Lorenzo Lotto peint cette Annonciation qui se trouve à la Pinacoteca de Recanati en Italie.

 

Nous sommes toujours dans la symbolique et la théologie, mais le peintre construit par le mouvement, un nouveau récit.

Trois personnages relégués sur les côtés, au centre le vide occupé par un chat qui s'enfuit. Jeu de regards: le chat regarde l'ange qui regarde Marie, l'ange montre le ciel où Dieu le Père regarde Marie, qui se retourne pour nous regarder.

L'ange s'agenouille, il tend le bras comme un héraut, un bras fort (Gabriel signifie Dieu est ma force) qui monte selon la verticale de la colonne vers les mains du Père.

Dieu Père regarde Marie, mais il la vise comme s'il avait un arc et des flèches ? à moins qu'il la prie , les mains jointes; Marie est surprise, est-elle apeurée ? non elle sourit, ouvre les mains comme une orante en signe d'acceptation, ou comme la suppliante qui est devenue la suppliée. Mais elle nous prend à témoin. Tout le mouvement de la scène vient vers nous, nous implique.

Dernier mouvement, celui de la lumière. Elle partage la scène en deux, à droite la lumière de Dieu, à gauche les ténèbres de la chambre, Marie semble partager en deux. Mais en disant "oui" elle permet à la lumière de gagner. l'ombre de l'ange va s'étendre, et la recouvrir, la lumière va inonder le lit, la pièce et le monde.
Tout est mouvement dans cette oeuvre, seul le chat, image du malin, ne bouge pas, il est pétrifié par l'évènement. Les temps sont accomplis, le sablier qui est sur le tabouret, a cessé de couler.

 

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11 novembre 2010 4 11 /11 /novembre /2010 18:02

 

 

Le chapitre 32 de la Genèse met d'abord en scène les préparatifs de la rencontre entre Jacob et son frère Esaü, Jacob a peur, il prie Dieu et prépare des cadeaux pour apaiser Esaü

Délivre-moi, je te prie, de la main de mon frère, de la main d'Ésaü! car je crains qu'il ne vienne, et qu'il ne me frappe, avec la mère et les enfants....    Il donna cet ordre au premier [serviteur] Quand Ésaü, mon frère, te rencontrera, et te demandera: A qui es-tu? où vas-tu? et à qui appartient ce troupeau devant toi?  tu répondras: A ton serviteur Jacob; c'est un présent envoyé à mon seigneur Ésaü; et voici, il vient lui-même derrière nous.   Gn 32, 11-18

 Jacob se prépare à passer le gué lorsque il rencontre « un homme » avec qui il lutte


 Il se leva la même nuit, prit ses deux femmes, ses deux servantes, et ses onze enfants, et passa le gué de Jabbok.  Il les prit, leur fit passer le torrent, et le fit passer à tout ce qui lui appartenait.  Jacob demeura seul. Alors un homme lutta avec lui jusqu'au lever de l'aurore.

Voyant qu'il ne pouvait le vaincre, cet homme le frappa à l'emboîture de la hanche; et l'emboîture de la hanche de Jacob se démit pendant qu'il luttait avec lui.  Il dit: Laisse-moi aller, car l'aurore se lève. Et Jacob répondit: Je ne te laisserai point aller, que tu ne m'aies béni.

  Il lui dit: Quel est ton nom? Et il répondit: Jacob.  Il dit encore: ton nom ne sera plus Jacob, mais tu seras appelé Israël; car tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu as été vainqueur.  Jacob l'interrogea, en disant: Fais-moi je te prie, connaître ton nom. Il répondit: Pourquoi demandes-tu mon nom? Et il le bénit là.  Jacob appela ce lieu du nom de Peniel: car, dit-il, j'ai vu Dieu face à face, et mon âme a été sauvée.  Le soleil se levait, lorsqu'il passa Peniel. Jacob boitait de la hanche.  Gn 32, 22-31

1 Jacob_Wrestling_with_Angel_Eugene_Delacroix.jpg

 

L'immense tableau (7,5 m x 4,5 m) d'Eugène Delacroix, peint entre 1859 et 1861 dans l'église St Sulpice à Paris,  rend assez bien compte du texte : les troupeaux et la famille passent le gué, le soleil se lève et Jacob combat un personnage qui lui tord la hanche. Le fait que "l'homme" du texte devienne un ange est traditionnel et se justifie par le fait que "l'homme" dise "tu as lutté avec Dieu"

 


Le combat oppose un ange qui exerce une  force tranquille, bien équilibré sur ses pieds, face à un Jacob qui semble au bout de son effort, arc bouté et donnant une dernière poussée.

C'est le moment où l'ange lui tord la jambe. Tricherie de l'ange contre Jacob, le tricheur invétéré, qui cette fois combat loyalement ?

 

 

 

 

 

Il combat loyalement, il est désarmé et dévêtu. Il a déposé ses armes au sol: flèches, épée et 3 -Lutte_de_Jacob_avec_l'Ange.jpglance (toujours menaçante ?). Il a posé ses vêtements, dont les couleurs et le chapeau devaient le faire ressembler au cavalier de droite (est ce son double ? celui qu'il aurait pu être s'il n'y avait eu cet ange, lui barrant la route ?), couvert d'une peau de lion, est-il redevenu nu et sauvage ? ou est il un nouvel Hercule, celui qui lutte contre le mal pour sauver l'humanité souffrante ? une image quasi christique.

 

 

Le contraste entre lumière et ténèbres est saisissant. La voûte du ciel est noire, par les arbres, les ténèbres descendent jusqu'au sol, l'ange est du côté des ténèbres et ses ailes sont elles aussi, noires, à l'inverse la lumière de l'aurore inonde le gué où passent troupeaux et gens, au premier plan mais aussi au fond à gauche. La lumière soutient l'effort de Jacob, elle sembe le pousser en avant, pour repousser les ténèbres. Jacob combattrait-il les ténèbres ? un démon ? Delacroix dans son commentaire, dit simplement : " cette lutte est regardée, par les livres saints, comme un emblème des épreuves que Dieu envoie quelquefois à ses élus."

 

 

4 Rembrandt 1659.jpg

 

Rembrandt en 1659 donnait une image totalement différente de ce combat. (Staatliche Museum, Berlin)

Le contexte est complètement abandonné, l'ange est vêtu de blanc, il est féminin et il a les bras largement ouvert, de Jacob on ne voit que le dos, il a un visage serein , les yeux clos, dort-il ? rêve-t-il ?   est-il en extase ? ou au contraire tellement tendu par son effort ?

 

L'ange et Jacob enlacés dans la lutte ? dans une relation qu'on pourrait voir comme amoureuse entre un homme et une femme, mais aussi entre une mère et un fils ,  comme Marie et Jésus lors d'une déposition de la croix  ? une nouvelle Piéta ?

 

Le seul élément qui rappelle le combat est le mouvement de la jambe de l'ange contre la hanche de Jacob, c'est plutôt la fin du combat, le moment de la bénédiction. Jacob sort de l'épreuve grâce à la persistance de sa foi, la grâce de Dieu lui est accordée. Et nous ne sommes pas vraiment spectateurs, nous sommes placés derrière jacob, invités à le suivre dans son mouvement et sa démarche.

 

 

5 Moreau 1878.jpg

 

Avec cette aquarelle de Gustave Moreau (1879, Musée G.Moreau à Paris) nous sommes dans une toute autre posture. Jacob combat mais qui ? un être réel ou un fantôme ? lui même ou son démon intérieur? L'ange, figure féminine longiligne, le regarde avec indifférence ou sarcasme ? Est-elle prête à l'aider ou à le contrer ? la lumière ne vient pas de l'astre visible à droite, mais de la gauche, elle illumine l'ange et aveugle Jacob.

 

Jacob est un adolescent viril et fougueux, mais il porte aussi quelques objets caractéristiques: un grand chapeau, un manteau sur l'épaule, une calebasse qui sert de gourde, un bâton à ses pieds... tous les éléments du bon pélerin. Il est au sommet de la montagne, le lieu de la rencontre avec Dieu, son voyage s'achève-t-il par cette rencontre attendue ou surprenante ?

 

 

Trois façons de voir le combat de Jacob et de l'ange, chacune donne une dimension particulière à un texte qui ne s'épuise dans aucune interprétation.

D'autre images sont plus ou moins proches, vous pouvez en voir quelques unes dans l'album ci-contre.


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10 octobre 2010 7 10 /10 /octobre /2010 17:25
   Je publie ici des éléments dont je me suis servi lors d'une séance du groupe biblique de l'ERF de Fontainebleau, animé par Odile ROMAN-LOMBARD, pasteure. D'autres pages seront publiées à l'occasion des prochaines rencontres.

 

 

SACRIFICE D'ABRAHAM OU SACRIFICE D'ISAAC ?

QUELLES APPROCHES DU SACRIFICE PEUT ON FAIRE A PARTIR DE QUELQUES OEUVRES PICTURALES

1 1635 Hermitage.jpg

 

REMBRANDT (1635) Musée de l' Hermitage, St. Petersbourg

 L'ange de Dieu fait irruption au dernier moment et il sauve une victime passive et innocente.

           L'œuvre rend assez bien compte du texte, seul le bélier est absent, mais non seulement l'Ange parle (main levée) mais surtout il agit. Abraham est brutalement arrêté dans son geste de sacrificateur.

            Isaac est violemment éclairé, il est placé sur une diagonale montante, positive, alors que celle d'Abraham est négative, vers le bas et qu'il est dans l'ombre. Il a caché la tête de son fils, pour ne pas le voir, il a peur de son regard, et c'est le regard de Dieu qu'il rencontre.

           C’est un dévoilement : la victime est innocente, elle est reconnue par Dieu et sauvée par Lui seul. Le spectateur reste extérieur, nous   assistons à une sorte de jugement .

                      


 

2 1603 LC Florence.jpg  LE CARAVAGE   1603 Galerie des Offices, Florence

 

Cette peinture est antérieure à celle de Rembrandt qui s'en est inspiré, mais il me semble que la place d'Isaac dans le sacrifice est encore plus importante.

Un instantané comme le précédent mais surtout  un cri dramatique dans un paysage calme. Un mouvement suspendu, marqué par le triangle fermé des 3 visages. Deux diagonales descendantes convergent vers Isaac, il n'a pas d'avenir, mais le doigt de Dieu peut faire sortir de ce triangle de mort, il montre une sortie possible.

Tout est dans la liberté d'Abraham, il peut poursuivre son geste ou l'arrêter. il semble réfléchir.

Dieu n'intervient pas du haut du ciel, il intervient au niveau de l'humain, il est si proche de la victime innocente qu'il lui ressemble (le peintre a pris le même modèle). Il se reconnaît en elle et invite l'homme à le sauver.

Quant au spectateur il est directement impliqué: Isaac le regarde et l'appelle au secours, nous sommes appelés à agir.

 

La portée christique est évidente,  reconnaître Dieu en son fils innocent. Et en cela cette oeuvre poursu3 Rouen - BM - ms. 3028 1520.jpgit une tradition. Jésus est la victime qui marche vers la mort suivant la volonté de son Père,comme Iaac il porte le bois du sacrifice.

  XIVème Rouen  - BM - ms. 3028 1520


 

4 Dijon - BM - ms. 0562 XIII.jpg

        

      XIIIème Dijon - BM - ms. 0562

La vision traditionnelle est christique :

la scène se lit comme une BD mais du bas à gauche vers le haut à gauche. 

 

C'est bien le sacrifice d'Abraham, un couteau à la main, indique à son fils la direction à prendre. L'enfant chemine devant lui en portant le fago.  Abraham, en vêtement couleur de deuil, s'apprête à sacrifier Isaac

Mais Isaac est trop grand par rapport à l'autel (il n'est pas la bonne victime). L'animal désigné est une  préfiguration christique : l'absence de cornes, le fait que l'animal se détourne de son bourreau dans un geste caractéristique de la fuite (il souhaite éviter le supplice, comme le Christ à Gethsémani)

Chaque étape de la Passion de Jésus trouve sa préfigure dans le sacrifice d'Abraham.

5 Rouen - BM - ms. 1139 XV.jpg

 

XVème Rouen - BM - ms. 1139 XV

Deux siècles plus tard, que de changements. L'innocence est mise en avant, l'ange arrête l'épée comme les mères essaient d'arrêter celles des soldats dans le massacre des Innocents.

Le Père est brutal, il ignore l'agneau qui est devant lui et qu'il pourrait sacrifier.

Isaac est une victime consentante, il n'est pas attaché, il prie... il devient une figure christique par sa soumission, sa piété filiale, alors qu'Abraham semble condamné pour infanticide.

 C'est déjà le sacrifice d'Isaac. 

voir Le sacrifice d'Abraham dans quelques représentations de la fin du Moyen Age par Christiane Raynaud, Journal of medieval history, vol. 21, September 1995, Pages 249-273

 

On pourrait dire que Le Caravage est un aboutissement et qu'il apporte une nouvelle vision christique: Isaac n'est pas seulement la préfiguration du Christ mais de toute victime qui rejoint le Christ. C'est la fin d'une vision sacrificielle, tout est meurtre et tout meurtre est arrêté par Dieu. Mais le dire ainsi est sans doute trop moderne.

7 chagall.jpg

 

Chagall reprend une mise en scène classique mais les victimes sont de tous les temps, Isaac, Jésus, les victimes des pogrroms...

 

 

http://www.musee-chagall.fr/

 

 

 

8 Alan Falk 2002.jpg

 

      Quant à cette vision d'Alan Falk (peintre anglais né en 1945, travaillant aux EU), elle montre que le dilemme d'Abraham est aussi ou d'abord celui de notre conscience. 

 

http://www.alanfalk.com/


The Binding Of  Isaac (The Akedah)'  2002 

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